Auteur/autrice : Hélène G.

  • Réveillons féeriques à Rio (Clara)

    Réveillons féeriques à Rio (Clara)

    « Je suis née au Brésil, à Rio de Janeiro, où mes parents ont vécu en expatriés jusqu’à mes 3 ans et demi. Puis, pendant une vingtaine d’années, nous avons fait le trajet Paris-Rio de Janeiro pour fêter chaque Nouvel An là-bas, chez la famille Garcia, des amis de mes parents.
    C’est ce souvenir si cher à mon cœur et toujours aussi présent dans ma mémoire par ses couleurs, ses parfums et ses éclats de rire que je souhaite raconter.

    De retour à la maison !

    Dès la descente de l’avion, je posais un pied en terre connue, tout de suite imprégnée de la chaleur moite et de ces odeurs d’humidité et de poussière si caractéristiques de Rio. Depuis l’aéroport, nous rejoignions notre point de chute pour notre séjour, souvent un petit appartement qu’on avait loué. Nous y déposions nos valises et nous remettions aussitôt en marche pour rejoindre le lieu des festivités, chez la famille Garcia. Leur immeuble se situait au Leme, un quartier de Rio un peu à part, moins touristique, à gauche de Copacabana. Un peu le bout du monde.

    Sur le trajet qui nous menait à leur appartement, on passait par une petite rue ombragée derrière la plage de Copacabana – la rue Gustavo Sampaio. Je me laissais porter par l’effervescence des rues grouillantes de monde, des terrasses animées, le brouhaha des bus et des taxis, toute cette émulation de la cité vivante et festive.

    J’aimais traverser les « blocos », cette enfilade de rues et leurs nombreux commerces, pharmacies, fleuristes, boulangeries, dont émanaient des senteurs tout aussi variées que familières. J’aimais l’odeur si particulière qui se dégageait des portes grillagées des garages souterrains, la fraîcheur qui s’en échappait aussi. J’adorais même l’odeur des poubelles, un mélange de propre et de sale, d’humide… la vie, quoi !

    Nous avions pour habitude de nous arrêter à la padaria située en bas de l’immeuble des Garcia, à l’angle de la rue, une sorte de petite boulangerie où l’on achetait des pao de queijo, des pains au fromage, ou des misto quente, des sandwichs au fromage et au jambon faits avec du pain de mie toasté. Les propriétaires de la padaria étaient toujours les mêmes et reconnaissaient mes parents à chaque fois. Nous avions ainsi l’impression d’arriver chez nous et de n’avoir jamais quitté Rio.

    Bienvenue chez les Garcia

    Après cette étape rituelle à la padaria, nous arrivions enfin devant l’immeuble des Garcia, qui portait sur sa façade le nom de « Manhattan ». Un grand immeuble en granite noir, très chic, avec des gardiens dans le hall de l’entrée principale, un tapis rouge sur l’escalier. Il y régnait une fraîcheur bien agréable. Là encore, les gardiens étaient toujours les mêmes d’une année sur l’autre, ils nous reconnaissaient et nous accueillaient chaleureusement, comme si nous étions de la famille. On se dirigeait ensuite vers les ascenseurs avec leur petite lucarne et leur grille en forme de losange qui se refermait comme un accordéon, et toujours cette odeur de poussière qui rappelait celle des garages le long de la rue. Je me souviens que, petite, c’était avec une joyeuse impatience que j’attendais de découvrir quel ascenseur allait arriver en premier.

    L’appartement numéro 1002 se trouvait au dixième étage. C’était un lieu convivial, à l’image des Garcia. Une famille avec trois enfants, très accueillante, qui avait le don de réunir des gens de tous horizons et aimait recevoir pour le réveillon toutes les connaissances nouées au fil des ans, des plus intimes aux plus récentes. Mon père me racontait – était-ce vrai ou pas ? – qu’il y avait toujours une clé sous le paillasson pour que les amis puissent entrer dans l’appartement même quand les Garcia n’y étaient pas, et puissent faire comme chez eux en attendant leur retour. Cependant, dans mon souvenir, même si les propriétaires étaient absents, il y avait toujours Arlette et son sourire lumineux pour nous ouvrir la porte. Arlette était ce qu’on appelle une « bonne » au Brésil, une femme de ménage qui s’occupe de la maison à plein temps. Certaines bonnes vivent même sur place. Je ne parlais pas le portugais, et elle ne parlait pas le français, mais cela ne nous empêchait pas de nous retrouver chaque année avec joie et tendresse.

    Une fois entrée dans l’appartement, je retrouvais ce cocon de mon enfance avec les mêmes odeurs qui venaient ravir mes narines, le parquet ciré, les poufs en cuir marron et une table basse avec un jeu de cartes qui n’attendaient que d’être brassées pour entamer une nouvelle partie. La cuisine reflétait ce grand esprit de convivialité, avec ses frigos toujours pleins et un distributeur de Coca à disposition. La consigne était : « Vous êtes à la maison, faites comme chez vous. » J’ai le souvenir que je pouvais sans gêne ouvrir les nombreux placards remplis de victuailles et autres trésors. Mon grand plaisir, enfant, était de redécouvrir des mugs en plastique très colorés dotés de pailles qui tournaient.

    Retrouver l’appartement des Garcia, c’était déjà le début de la fête pour moi.

    En attendant le réveillon

    Le Nouvel An est une immense fête au Brésil, les rues sont très animées, les plages bondées de monde et de vendeurs ambulants, des concerts sont improvisés un peu partout.

    Généralement, nous faisions une grande balade sur la plage l’après-midi pour profiter de l’effervescence de cette avant-fête, déguster les épis de maïs bouilli recouverts de beurre et de sel, et nous désaltérer avec de l’eau bue à même la noix de coco ou un Coca glacé.

    Puis, tout excités, nous retournions à l’appartement que nous avions loué afin de nous préparer pour le soir. La coutume, au Brésil, est de s’habiller tout en blanc pour le réveillon du Nouvel An. Et chaque convive apporte une grande fleur de glaïeul blanc qui sera jetée dans l’océan à minuit.

    De retour chez les Garcia, nous déposions nos fleurs dans l’un des grands vases prévus à cet effet à l’entrée de la salle de réception. Et là, c’était le bonheur de retrouver toutes ces personnes venues des quatre coins du monde, certaines que mes parents avaient connues quand ils vivaient à Rio, d’autres que nous avions plaisir à revoir à chaque réveillon. C’était l’occasion de faire de nouvelles rencontres aussi, les Garcia ayant un cercle d’amis toujours renouvelé.

    Que la fête commence !

    Pour la petite fille et l’adolescente sociable que j’étais, le réveillon du premier de l’An a toujours été la meilleure fête de l’année. Pleine de joie, de danse au son de la musique brésilienne si entraînante. Les buffets étaient recouverts de nourriture à foison, le champagne coulait à flots (évidemment, petite, je n’y goûtais pas !). Je me souviens qu’il y avait toujours un gros seau à caïpirinha, où la vodka remplaçait la cachaça pour avoir moins mal au crâne le lendemain. C’étaient les hommes qui investissaient la cuisine pour préparer les cocktails, dans un tumulte joyeux embrumé de la fumée de leurs cigarettes.

    L’appartement des Garcia était doté de grandes baies vitrées surplombant la ville avec une vue époustouflante sur la mer. Particulièrement en ce jour du 31 décembre, le spectacle était éblouissant, avec toute cette marée humaine vêtue de blanc qui s’enjaillait dehors en dansant et en chantant.

    À 23 h 45, alors que la fête battait son plein, tout le monde enfilait ses chaussures, s’emparait de sa fleur dans les grands vases et se précipitait dans l’escalier de service pour rejoindre la plage. Pour ma part, j’y allais pieds nus, je me souviens encore de la sensation collante de ma peau au contact du sol jonché de pétales de fleurs ; il fallait aussi éviter les bouteilles de champagne plantées dans le sable !

    Des lumières et des fleurs

    Tout le monde se réunissait alors sur la plage pour assister au magnifique feu d’artifice tiré à minuit depuis la mer, l’un des plus beaux que j’aie jamais vus. Pendant une vingtaine de minutes, tout le ciel de la baie de Rio s’embrasait de couleurs et de lumières magnifiques, c’était un spectacle somptueux et magique. L’hôtel Le Méridien, qui donnait sur la plage, avait aussi son propre feu d’artifice, et se trouvait comme enveloppé de cascades flamboyantes… Vraiment splendide !

    Puis, comme c’est la tradition, tout le monde se jetait à l’eau et sautait par-dessus sept vagues immenses. Chacun lançait sa fleur blanche dans la mer en l’honneur de la déesse Iemanjá avant de faire un vœu. On prenait des photos de groupe sur la plage. On s’embrassait dans la liesse de l’instant. Je me rappelle les peaux moites transpirantes des amis de mes parents qui, loin de me révulser, faisaient partie du charme de la fête.

    Après ce « bain de minuit » rituel, tout le monde se remettait en marche vers l’immeuble des Garcia. On empruntait de nouveau l’entrée de service proche de la plage, où se trouvait un petit robinet pour qu’on puisse se rincer les pieds avant de remonter par les ascenseurs. Et la fête continuait jusqu’au petit matin.

    Toutes les bonnes choses ont une fin

    J’ai toujours dansé après minuit, même petite. Quand j’étais plus jeune, je finissais par m’endormir sur le canapé des Garcia. À l’adolescence, j’allais me coucher dans leur chambre. J’ai le souvenir que j’avais du mal à trouver le sommeil, troublée par le bruit incessant des vagues qui venaient s’échouer sur le rivage.

    Après cette folle nuit et l’exaltation de la veille, le réveil vers 11 heures du matin était un peu difficile. Les lendemains de fête sont toujours moins chantants, tout le monde est dans un état second, avec la gueule de bois et le regard plus éteint. Pour ma part, le brunch qui rassemblait une dernière fois les convives signait la fin des vacances – dans quelques heures on reprendrait l’avion – et je me sentais toujours un peu déprimée, ravie de la soirée que j’avais passée mais déjà nostalgique et impatiente de remettre ça l’année suivante !

    Ces réveillons passés au Brésil sont un peu ma Madeleine de Proust. Mes cinq sens sont encore en éveil à leur simple évocation. Toutes ces images, saveurs, musiques bien ancrées en moi me remplissent de la gaîté et de la lumière du Nouvel An à Rio. »

  • Avant de faire le grand saut

    Avant de faire le grand saut

    J’ai écrit ce texte le 3 mai 2025, entre deux maisons, la tête dans les cartons et dans le brouillard, avec une vente qui n’en finissait pas et la perspective d’emménager dans mon nouveau cocon, qui me semblait si loin et si proche à la fois. J’ai voulu immortaliser ce moment de bascule où tout est flou et encore possible, cet entre-deux pas hyper confortable qui nous apprend la patience et teste notre capacité à croire.

    Mettre 15 ans dans des cartons
    Compter les jours, compter les semaines, compter les mois
    Trouver le temps long et le voir filer
    Trouver la maison idéale, goûter au petit miracle
    Toucher son rêve du bout des doigts
    Se couper le doigt
    Y croire, perdre espoir et y croire encore

    Pleurer de joie, pleurer de colère, pleurer d’impatience et de soulagement, pleurer de fatigue et pleurer de rire
    Pleurer tout le temps
    Laisser lâchement le yucca périr sous un orage
    Faire une tentative de sauvetage du yucca

    Reboucher les trous, réparer les prises, péter un câble
    Se prendre une planche sur le pied
    Boiter mais avancer quand même
    Ne plus être ici mais pas encore là-bas
    Dire à la nouvelle vie : s’il te plaît, attends-moi
    Dire à l’ancienne : vas-y c’est bon maintenant, lâche-moi

    Se retrouver en famille comme il y a 30 ans
    S’y sentir bien, autrement
    Prendre toute la place dans le garage des parents
    Faire une compil des bons moments
    Réunir sa deuxième famille après 6 ans
    Dire au revoir aux amis, à bientôt, on va se manquer
    Ah ben non je suis toujours là
    Tu pars quand ? Je sais pas
    Je suis déjà un peu partie en vrai

    Rêver de ce jour où je dirai ENFIN
    Je ferme les yeux, je touche au but
    Allez, trois, deux, un…

  • ENFIN !

    ENFIN !

    C’est l’histoire d’un rêve qui se concrétise…

    Il y a trois ans et demi, j’ai eu un coup de cœur en venant à Larmor-Plage pour la première fois. Il y a trois ans et demi, j’ai commencé à me dire, moi qui rêvais depuis longtemps d’habiter près de la mer, en Bretagne si possible, « ici, c’est le bon endroit ».

    Puis la vie a continué et ce n’était pas le bon moment, le rêve semblait ne rester qu’un rêve. Je gardais au fond de moi ce petit bout de paradis, avec les photos et la météo de Larmor-Plage dans mon téléphone. Je suis revenue il y a un an, pour voir si mon coup de cœur se confirmait. Ça a été un grand OUI de tout mon être. Alors le rêve s’est transformé en projet. Rien dans ma vie ne me poussait à partir, si ce n’est cet appel, cette certitude dans mon cœur que quelque chose d’autre m’attendait ailleurs.

    J’ai commencé à faire une liste de tous les critères que je voulais voir réunis pour ma future habitation. Quand je suis venue fin février pour prospecter, un agent immobilier m’a dit, gentiment mais avec conviction : « Avec votre budget, jamais vous ne trouverez ce que vous voulez ici. » Le lendemain je visitais cette petite maison qui me faisait de l’œil dans les annonces immobilières depuis plusieurs mois, et qui correspondait à tous mes critères, sans exception. Un peu chère encore, mais j’ai tenté… et ça a marché. Aujourd’hui, je suis propriétaire de la maison de mes rêves, et je vais vivre près de la mer. J’ai eu une chance inouïe, je n’en reviens toujours pas.

    Les miracles existent et le mot « impossible » ne fait plus partie de mon vocabulaire.

    Que cette petite histoire puisse vous inciter à rêver grand, à rêver fort, et à ne surtout pas négocier avec vos rêves.

    20 juin 2025

    « Pensez grand et n’écoutez pas les gens qui vous disent que ce n’est pas réalisable.
    La vie est trop courte pour penser petit. »

    Tim Feriss

  • Partir pour ne pas rouiller

    Partir pour ne pas rouiller

    Un nouveau départ, c’est comme une page blanche à noircir de nouveaux rêves, une autre vie à écrire, un saut dans le vide les yeux bandés

    Partir pour revivre, pour ne pas rouiller dans ce qui était parfait autrefois mais ne l’est plus à présent

    Faire connaissance avec cette nouvelle partie de soi qui a toujours existé mais n’osait pas se montrer
    Ne pas se laisser engluer par des étiquettes qu’on nous avait collées
    Ne pas se laisser figer

    Oser prendre le risque de perdre ses repères pour trouver le bon rocher où s’ancrer
    Regarder devant soi malgré la peur de trébucher
    Ne pas savoir ce qui va arriver mais se sentir guidée
    Lâcher prise, lâcher la peur, tout lâcher

    Pouvoir se dire « Je l’ai fait, je suis fière », puis avoir peur de retomber dans ses travers
    Nager à la frontière du courage et du coup de folie
    Se laisser bercer par ce vide vertigineux qui est aussi un boulevard de possibilités infinies

    Tout quitter pour tout réinventer, repartir de zéro
    Se surprendre soi-même
    Soutenir les nouveaux regards, accueillir les nouveaux sourires
    Faire chaque nouveau pas la boule au ventre mais le cœur en joie

    Un nouveau départ, comme un autre chapitre
    Se découvrir comme on ne se connaissait pas
    Et réaliser qu’enfin on peut oser être soi
    Enfiler sa nouvelle peau
    Trouver que chaque matin est beau